Mois : septembre 2023

Thomas Sankara, rebelle visionnaire de Lepidi, Santucci et Masioni

Résumé

Thomas Sankara est une icône panafricaine de la lutte contre les impérialismes. Surnommé le Che africain, Thomas Sankara, est tué lors d’un coup d’État fomenté par quelques-uns de ses anciens compagnons de lutte.
Biopic mené par Pierre Lépidi journaliste au Monde spécialiste de l’Afrique et Françoise Marie Santucci et porté par les dessins de Pat Masioni. L’album prend le parti pris de la narration indirecte à travers les yeux de Léa petite métisse de 9 ans, né d’un couple mixte. Léa rentre de l’école et demande à sa mère pourquoi ses parents l’ont appelée Léa-Thomas avec un prénom de garçon.

L’avis de Cassandre

Léa-Thomas est une écolière de neuf ans, moquée à l’école pour son « prénom de garçon ». Ses parents décident qu’elle est assez grande pour qu’ils lui expliquent l’histoire de son prénom et l’hommage à Thomas Sankara. Thomas Sankara a été le Président du Burkina Faso, dans les années 1980. D’ailleurs, le pays s’appelait à l’époque Haute Volta, Sankara a changé son nom qu’on peut traduire par « patrie des personnes intègres ». Thomas Sankara a marqué l’histoire de son pays. Il était en avance sur son temps sur de nombreuses thématiques. Il a mis fin aux mariages forcés des jeunes filles, a interdit l’excision et a œuvré pour l’interdiction de la polygamie et de la prostitution. Il a aussi mené de grandes actions pour redresser l’économie de son pays et inculquer des valeurs fortes à son peuple comme celle du travail. Mais Thomas Sankara était aussi très dur, intransigeant et ses idées avant-gardistes ont finalement eu raison de lui.

J’ai trouvé ce roman graphique passionnant. J’ai aimé la manière dont les auteurs nous parlent de sa vie, à travers différents récits, anecdotes et fragments de sa riche et courte vie. Thomas Sankara est un personnage historique inspirant, il a fait beaucoup pour le Burkina Faso en quelques années seulement. Il fallait un sacré culot et de la verve pour y parvenir, cela ne peut que forcer au respect. De Thomas Sankara, je ne connaissais que le nom. Maintenant, j’ai une idée claire de la personne qu’il était. Enfin, j’ai aimé les illustrations, les personnages, le choix des couleurs. Ce roman graphique est une très belle découverte que je recommande les yeux fermés !

Thomas Sankara, rebelle visionnaire de Lepidi, Santucci et Masioni, paru en septembre 2023 aux éditons Marabout, 160 pages, 23,95€

Bestial d’Anouk Shutterberg

Résumé

« Si vous cherchez les filles, suivez les chiens. »
2007. Cinq préadolescentes disparaissent subitement en plein jour dans un quartier touristique de la capitale. Même profil : jolies et toutes âgées de douze ans. Malgré l’acharnement du commandant Ribault et de son équipe, aucune piste sérieuse n’émerge. Mis à part, peut-être, ces mystérieux colis reçus par les familles des victimes dont le contenu laisse les policiers sans voix.
2019. L’affaire classée refait surface : cinq autres jeunes filles se sont volatilisées selon le même modus operandi. Le commandant Stéphane Jourdain et le capitaine Lucie Bunevial reprennent le dossier.
Au fil de cette enquête hors norme, l’équipe de la 1re DPJ parisienne devra explorer des abîmes que l’esprit se refuse à imaginer.

L’avis de Cassandre

Mathilde, douze ans, passe un week-end en famille à Paris. Elle suivait ses parents dans les rues de la capitale quand elle a été enlevée. Personne n’a rien vu. Le Commandant Jourdain établit très vite un parallèle avec cinq enlèvements de pré-adolescentes, dont l’enquête n’a jamais été résolue et les filles, non-retrouvées.

Dans Bestial, nous alternons les chapitres et les points de vue. Nous suivons à la fois le travail des enquêteurs, le calvaire de Mathilde et ses amies d’infortune ainsi que d’autres personnages de l’histoire. J’aime ce procédé qui permet de visualiser l’enquête à la manière d’un kaléidoscope. Bestial est un roman policier très noir, peuplé de chiens hautement dangereux et d’hommes qui ne le sont pas moins. Le lecteur n’est pas épargné par la violence et par la folie des hommes. Certaines scènes sont terribles voire carrément insoutenables.

J’ai pris plaisir à suivre cette enquête de grande ampleur qui nous mène à un final explosif. Bestial est le premier roman que je lis d’Anouk Shutterberg et j’en ressors conquise. Je vous conseille cependant de lire Jeu de peaux en premier, car on y trouve de nombreuses références et certains liens dans ce second opus. Êtes-vous prêts à pénétrer dans l’antre du loup ? (Ou plutôt, des chiens pour le coup !).

Bestial d’Anoul Shutterberg, paru en mai 2023 aux éditions Pocket, 448 pages, 8,60€

Six baisers manqués (et une histoire d’amour) de Tess Sharpe

Résumé

Depuis leur enfance, Penny et Tate se détestent. Malheureusement pour elles, leurs mères sont amies à la vie à la mort, à tel point que la mère de Penny est sur le point de subir une dangereuse opération pour sauver celle de Tate. Cerise sur le gâteau, Tate et sa mère viendront habiter chez Penny le temps de la convalescence.
Penny et Tate concluent un pacte : elles feront en sorte de se supporter le temps que la situation revienne à la normale.
Seulement voilà, depuis des années, Penny et Tate ne cessent de « presque s’embrasser ».
Or certains rendez-vous ne peuvent se manquer éternellement.

L’avis de Cassandre

Tate et Penny sont le jour et la nuit. Les deux adolescentes ne pourraient pas être plus différentes. Tate est une nageuse hors pair qui fréquente quotidiennement la piscine pour décrocher une bourse d’études. Elle dispose d’un calme à toute épreuve. Penny, elle, est du genre très stressée et contrôle tout à coup de to-do list et de rétro-planning. Une vraie maniaque qui ne laisse aucune place à l’imprévu ! Les deux filles ne s’entendent pas et vont pourtant devoir vivre sous le même toit. Leurs mères sont meilleures amies et doivent cohabiter pour quelques mois. Que cache réellement la mésentente des adolescentes ?

Six baisers manqués est un roman que j’ai lu presque d’une seule traite. J’ai adoré les héroïnes qui portent chacune des fêlures en elles. Tess Sharpe aborde des sujets complexes : la maladie, le deuil, les relations mères-filles, l’amitié, l’homosexualité et l’amour, bien sûr. Ce roman n’est pas aussi léger qu’on le pense. L’autrice trouve les mots justes et aborde des sujets difficiles avec sensibilité. La romance, quant à elle, prend son temps. Cet aspect m’a plu, cela nous permet de mieux connaître les personnages, leurs personnalités et voir leur relation évoluer progressivement. Une jolie lecture, difficile à reposer et captivante. J’aurais aimé pouvoir passer plus de temps en leur compagnie !

Six baisers manqués (et une histoire d’amour) de Tess Sharpe, paru en juillet 2023 aux éditions Robert Laffont, 432 pages, 19€

Waterbacks de Charles Mazarguil

Résumé

Le Grand Réchauffement climatique a ravagé la Terre. En quelques décennies, l’eau potable est devenue la ressource naturelle la plus rare et la plus précieuse au monde. Pour échapper à la misère,
Pitbull, Larbin, Le Bourge et Sprite – des orphelins de la Seconde Guerre de l’Eau – se sont faits embaucher par la Water Corp., une organisation au pouvoir politique et militaire immense.
Les quatre adolescents sillonnent Paris pour porter de l’eau aux plus riches : ce sont des Waterbacks. Le jour où Larbin perd sa livraison, ils sont en danger de mort. Ils doivent quitter Paris et tenter d’atteindre de nouvelles terres ; vivables cette fois.

L’avis de Cassandre

Bienvenue dans le Paris du futur ! L’apocalypse a eu lieu : catastrophes naturelles, montée des eaux, submersions des côtes, pollution massive de l’eau et une guerre de l’eau, entre autres. L’eau est d’ailleurs devenue le bien le plus rare et le plus précieux. Celui qui suscite des convoitises, divise, celui pour lequel on tue.

Nos personnages principaux se font appeler Pitbull, Le Bourge, Sprite et Larbin. Une fille et trois garçons orphelins qui n’ont eu d’autre choix que celui de s’enrôler comme Waterbacks. Ils travaillent pour la Watercorp, une organisation mafieuse où la bande d’infortune doit livrer à leurs périls de l’eau à ceux qui peuvent encore s’en payer. Mais une livraison tourne mal et les amis sont contraints de fuir pour survivre. Waterbacks est un roman post-apocalyptique qui sensibilise sur la cause environnementale.

Qu’il fait chaud dans cette capitale de l’Après ! On suffoque, on a soif, on transpire comme nos héros. J’ai aimé l’univers décrit par Charles Mazarguil, qui m’a rappelé celui de Mad Max. L’action est très présente et ne laisse aucune place aux temps morts. J’ai aimé la course-poursuite effrénée et que les personnages se battent pour leur survie. Les dialogues sont acérés, et les répliques ne manquent pas de mordant. Une dystopie très réussie !

Waterbacks de Charles Mazarguil, paru en février 2023 aux éditions Slalom, 288 pages, 16,95€

Les Pyromanes de Vincent Delareux

Résumé

Dans un village reculé de Normandie, Thérèse Sommer attise les passions et dicte sa loi : à son mari qu’elle trompe, à sa mère qu’elle méprise, à ses amants qu’elle consume.
Libre et indépendante, maîtresse de son petit monde, on ne lui connaît pas de rivale. Jusqu’à la naissance de sa fille.
Enfant non désirée, Françoise grandit entre haine et maltraitance. Nuit et jour, elle implore le Ciel et les saints de la libérer de la tyrannie de sa mère. L’une d’elles est de trop.
Françoise doit faire un choix : cultiver la flamme d’un cierge pour son salut ou allumer le brasier de la colère ?

L’avis de Cassandre

L’an dernier, je découvrais Vincent Delareux avec son premier roman, Le cas Victor Somer, que j’avais adoré. Quel plaisir de le retrouver pour cette rentrée littéraire ! L’histoire s’intéresse aux grands-parents et parents de Victor, en particulier sa mère, Françoise, et sa grand-mère, Thérèse. Je vous rassure, les romans peuvent se lire séparément.

Nous partons dans un petit village normand, au début des années 1950. Thérèse est mariée à Serge, un marin doublé d’un poivrot. Mais qu’importent les liens sacrés du mariage, les hommes du village défilent chez elle, comme dans un moulin. Thérèse reçoit sans doute une punition divine quand elle découvre qu’elle est enceinte (de qui ?). Enfer et damnation ! A la naissance, Thérèse n’a aucun attachement pour sa fille, Françoise, dont elle se séparerait volontiers.

La petite ne reçoit aucun amour, aucune attention. Elle est négligée et subit rapidement des mauvais traitements. Son seul bonheur est sa grand-mère, Jeanne, qui fait ce qu’elle peut pour elle, malgré son grand âge. L’histoire se déroule sur plusieurs dizaines d’années.

Le récit n’est pas toujours facile, les scènes de maltraitance physique et psychologique sont assez nombreuses et font froid dans le dos. Comment la petite Françoise va-t-elle grandir ? Pourquoi Thérèse est-elle aussi impitoyable et égocentrique ? L’auteur s’intéresse ici aux origines du mal et à l’impact des sévices subis durant l’enfance. J’ai trouvé ce roman noir particulièrement réussi et j’ai beaucoup aimé le style d’écriture qui m’a fait penser à un conte moderne.

Pour conclure, un deuxième roman qui va encore plus loin que le précédent et qui confirme le talent de Vincent Delareux. Des sujets difficiles mais hélas, encore bien actuels.

Les Pyromanes de Vincent Delareux, paru en août 2023 aux éditions L’Archipel, 464 pages, 20€

La porte du non-retour de Kwame Alexander

Résumé

Royaume ashanti, 1860.

Kofi vit et rêve au bord de la rivière. Son frère aîné l’avertit cependant de ne jamais s’y attarder après le coucher du soleil. Tu ne connais pas tous les secrets de la rivière. De quoi veux-tu parler ? demande Kofi. Des bêtes.
Une nuit, le monde du jeune garçon bascule. Son destin se fond alors dans l’histoire collective de ceux qui, arrachés à leur terre, à leur famille, à leur culture, sont jetés en esclavage.

L’avis de Cassandre

Le mois dernier, j’ai eu la chance de recevoir La porte du non-retour en avant-première grâce à Babelio et aux éditions Albin Michel que je remercie chaleureusement. J’adore les opérations Masse Critique privilégiées, c’est l’occasion de découvrir des titres et des genres littéraires que je n’aurais peut-être pas lus de moi-même.

Ce titre est le premier d’une trilogie. Sa particularité ? Il est écrit en vers libres. L’histoire débute en 1860, au Royaume d’Ashanti (aujourd’hui, le Ghana). Kofi, le personnage principal, est un enfant comme les autres. Il n’aime pas trop l’école (ou plutôt son professeur qui oblige les élèves à parler anglais). Il préfère la compagnie de son meilleur ami, Ebo. Il rêve de se marier plus tard avec la douce Ama. Il adore nager et écouter son grand-père, un homme qui parle peu mais tout ce qu’il dit est crucial et plein de sagesse.

Il y a un Avant et un Après, dans ce récit. L’Avant parle de l’enfance, la famille, les rites, le passage à l’âge Adulte, les croyances aussi. Puis, tout bascule. La porte du non-retour est un roman qui aborde les origines de l’esclavage. Qui étaient ces hommes, ces femmes, ces enfants avant qu’on ne les enlève, qu’on les déracine de leurs pays afin de les asservir ? Ce titre est bouleversant, d’autant plus quand le narrateur est aussi jeune.

La plume de Kwame Alexander est sublime, ses mots nous transpercent, les pages défilent et la fin arrive rapidement. Je serai au rendez-vous pour découvrir la suite de son périple !

La porte du non-retour de Kwame Alexander, paru en septembre 2023 aux éditions Albin Michel, 456 pages, 19,90€